[Rois maudits 3] les poisons de la couronne by Maurice Druon

[Rois maudits 3] les poisons de la couronne by Maurice Druon

Auteur:Maurice Druon [Druon, Maurice]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Histoire
ISBN: 9782253004042
Publié: 1956-01-24T23:00:00+00:00


TROISIÈME PARTIE

LE TEMPS DE LA COMÈTE

I

LE NOUVEAU MAÎTRE DE NEAUPHLE

Le second jeudi après l’Épiphanie, qui était jour de marché, il y avait grande agitation à la banque lombarde de Neauphle-le-Château. On nettoyait la maison de fond en comble ; le peintre du village couvrait d’un enduit neuf l’épaisse porte d’entrée ; on astiquait les coffres-forts dont les traverses de fer brillaient mieux que l’argent ; on passait le balai entre les poutres pour enlever les toiles d’araignées ; on chaulait les murs, on cirait les comptoirs ; et les commis, cherchant les registres épars, les balances, les échiquiers à calcul, avaient peine à garder leur calme devant la clientèle.

Une jeune fille d’environ dix-sept ans, haute de taille, belle de traits, les joues colorées par le froid, franchit le seuil et s’arrêta, surprise par ce remue-ménage. Au manteau de camelin beige dont elle était emmitouflée, au fermail qui retenait son col, et à tout son maintien, on reconnaissait une fille de noblesse. Les villageois ôtèrent leur bonnet.

— Ah ! Damoiselle Marie ! s’écria Ricardo, le premier commis. Soyez la bienvenue ! Entrez, et venez vous chauffer. Votre corbeillon est prêt, comme chaque semaine ; mais, dans tout ce mouvement, je l’ai fait serrer à part.

Il fit passer la jeune fille dans une pièce voisine, qui servait de salle commune aux employés de la banque et où brûlait un grand feu. Il sortit d’un placard une corbeille d’osier, couverte d’une toile.

— Noix, huile, lard frais, épices, farine de froment, pois secs, et trois grosses saucisses, dit-il. Tant que nous aurons à manger, vous en aurez aussi. Ce sont les ordres de messire Guccio. Et j’inscris tout à son compte, comme de coutume… L’hiver commence à se faire long et je serais surpris qu’il ne se finît pas par une disette, ainsi que l’an passé. Mais cette année, nous serons mieux pourvus.

Marie de Cressay prit le corbeillon.

— Point de lettre ? demanda-t-elle.

Le premier commis secoua la tête avec une feinte tristesse.

— Eh non ! Belle damoiselle, pas de lettre cette fois.

Il sourit du désappointement de la jeune fille, et ajouta :

— Non, pas de lettre, mais une bonne nouvelle.

— Il est guéri ? s’écria Marie.

— Et pour qui croyez-vous que nous fassions tous ces apprêts, en plein cœur de janvier, alors qu’on ne repeint jamais avant l’avril venu ?

— Ricardo ! Est-ce donc vrai ? Votre maître arrive ?

— Eh, si, par la Madone ! Il arrive ; il est à Paris et nous a fait annoncer qu’il serait ici demain.

— Que je suis heureuse ! Que je suis heureuse de le revoir !

Puis, se reprenant, comme si l’explosion de sa joie eût manqué de pudeur, Marie ajouta :

— Toute ma famille va être heureuse de le revoir.

— Il a demandé qu’on lui aménage un logis. Tenez, damoiselle Marie, je voudrais votre avis sur ce que nous lui avons préparé, et que vous me disiez si vous le trouvez à votre goût.

Il la conduisit à l’étage, et ouvrit la porte d’une chambre de bonnes dimensions, mais basse de plafond, où les solives venaient d’être cirées.



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